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  MIKAËL HERVIAUX Journaliste, auteur et traducteur 

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pêle-mêle

DES SPECTACLES, DES CRITIQUES 
 
1-René Aubry 
2-Hélène Segara (...!) 
3-Cesaria Evora  
 
1-CONCERT/ RENE AUBRY 
(Revue de presse Hopi Mesa 
CENTRE FRANCE 25 -09-2003)  
 
 
"LE SENS DE L'EPURE" 
 
La musique épurée, sensuelle et sensible du compositeur René Aubry mêle savamment les genres. 
 
Qui ne connaît pas René Aubry ? Personne. Qui connaît René Aubry ? Peu de monde. Drôle de paradoxe ! Seul un oxymore saurait estampiller ce poly-instrumentiste pour le moins original et doué : "célèbre-inconnu" ou encore "musicien incontournable et ignoré". 
Impossible en effet de l'enfermer dans l'étau d'une définition. Trop réducteur, trop étroit pour un artiste qui tend au contraire vers le déploiement, la profusion : de couleurs, de sons, d'images... Sa palette musicale est riche et variée, passant du jazz, à la musique arabo-andalouse ou orientale avec des relents de rock et d'années folles. Seulement là encore, à trop vouloir le "saisir", son style comme une anguille glisse des mots pour se faufiler dans un univers à part. Ineffable.
 
Insaisissable 
Voilà donc la marque des grands compositeurs: ils ont un "univers", un monde qu'ils ont eux-mêmes façonné, un territoire qu'ils sont les seuls à arpenter. René Aubry ne fait donc pas dans la "tendance world" et ne plaque pas, ici des sons venus de l'Est, là du Satie édulcoré. Cela fait déjà vingt-cinq ans qu'il voyage entre les notes, qu'il ciselle son langage, qu'il débourre ses compositions de toute pesanteur. Depuis ses collaborations avec la chorégraphe Carolyn Carlson (citons, Blue Lady) ou encore Philippe Genty (Ligne de fuite), ses morceaux pour la pub ou les génériques d'émissions de télé (d'où sa popularité...), cet artiste autodidacte n'a eu de cesse de chercher sa propre voix 
Musique des sens 
Mardi soir dernierà la Maison de la Culture, on a retrouvé ce sens de l'épure, du dépouillement. Accompagné de six autres musiciens acoustiques (piano, violon, guitares, cuivres, contrebasse etc.), il a donné un concert (essentiellement instrumental) d'exception. Vraiment ! Dès les premières notes, on est comme happé par le thème, aspiré dans son monde, cet univers sensuel et intime. 
Car René Aubry a ce sens inné de la mélodie, à la fois simple et savante. Musique éprouvée, jamais éprouvante, qui rappelle parfois Yann Thiersen dans les touches claires et sautillantes du clavier de Stefano Genovese. Ou encore Titi Robin, dans le déchaînement assourdissant, follement slave, de la clarinette saturée de Daniel Beaussier. Rien n'est superflu. Jusqu'aux perçus qui privilégient le son plus feutré et étouffé du "cajon".
 
Juste ce qu'il faut d'ivresse 
Chaque composition creuse peu à peu l'espace, discrète comme un parfum, avant de l'envahir totalement dans des déferlements de guitares espagnoles ou bien encore de mandoline. Et ces montées en puissance, enivrantes et senties, cette musique gorgée de soleil, tout cela embaume "à plein coeur" et fleure bon la méditerrannée. Alors, effectivement, René Aubry n'est peut-être pas très connu. Il n'empêche qu'il est en passe, à force de talent et de recherche, de prendre place au panthéon des grands compositeurs populaires de notre époque. Un grand moment ! 
 
2-CONCERT / HELENE SEGARA (JDC-24 oct.2003) 
 
"LA FÊTE DE L'HUMANITE" 
 
Hélène Ségara s’est produite, mercredi soir, à la Maison de la Culture, devant une salle déjà acquise à sa cause. Une démonstration de beaux sentiments et des textes révélateurs d’une poésie plutôt... rare !
 
 
IRRÉSISTIBLE Hélène Ségara... On aimerait tant l’apostropher pour lui dire qu’on l’aime et lui donner le temps d’aller plus loin. Pas si simple ! Et pourtant, nul n’aurait renâclé à l’idée de l’entendre chanter toute la nuit durant. Car dans le monde merveilleux d’Hélène, l’amour rime avec toujours, le corps avec encore, le cœur avec 
bonheur... Bref, il n’est pas un seul endroit où la poésie ne s’amarre. Et nous aussi. Ces 
mots sont autant de flèches ultrasensibles qui atteignent leur cible et touchent au plus profond. On les reçoit, poitrine en avant, pour mourir un peu dans cette souffrance adorable. Saint-Sébastien du trop-plein d’amour.
 
L’amour, l’amour... 
Il est vrai qu’Hélène est devenue, à force de volonté et de places à gagner pour son prochain concert (3,5 cent. _/mn), un personnage tellement familier. Ses tubes sont autant de ritournelles enivrantes qui nous suivent et nous poursuivent : au rayon fruits et légumes du supermarché voisin ou encore coincée entre deux pubs pour un shampoing 
qui fait le cheveux plus lisse et un yogourt qui fait le corps moins gras. 
" L’amour est un soleil qui m’a souvent brûlé les ailes " dit-elle dans l’une de ces insignes chansons. Référence au mythe d’Icare (et à L’Albatros de Baudelaire !) qui résume parfaitement le tourment de l’artiste: alors que son cœur veut voler à tire-d’aile, la réalité le rattrape. Insensiblement.
 
Hélène et le café 
Un constat doux-amer qu’elle affronte pourtant courageusement et qui ne connaît qu’un seul remède, l’amour-toujours : " On se fait des idées sur les gens, on oublie trop souvent qu’on est tous des enfants ". Formidable leçon d’humanité qui réchauffe les cœurs en cette époque trouble. Mais Hélène Ségara, c’est aussi et avant tout une plume qui flirte parfois avec le réalisme fantastique : " J’ai fait du café noir, pour voir si je ne rêvais pas ". Personnage éthéré donc, qui n’attend plus que le craquement sourd de la biscotte pour revenir parmi les hommes. 
Mercredi soir, à la Maison de la Culture, ses " fulgurances " ont encore ébloui l’ensemble du public. On aurait dit un ange perdu au milieu d’une tempête de sons et de lumières. Un petit cœur d’oiseau blessé qui palpite follement, une larme au coin des 
yeux qui peine à sourdre. On l’a reconnue dans Petite vie, chanson qui par ailleurs dénonce sans fard les affres de la guerre ! Elle était là, Hélène, au travers de cette " petite fille qui se perd dans l’horreur et le bruit... et tout le monde l’oublie ".
 
 
3-CONCERT/ CESARIA EVORA (JDC-15-05-03) 
"La beauté sombre du chagrin" 
 
ELLE est arrivée à tâton sur le devant de la scène, nus pieds, le visage traversé d’un sourire un peu désolé. Puis, elle s’est placée bien au centre pour n’en plus bouger. Autour d’elle, un sax, des guitares, un violon, et des percus ont déjà commencé à dépeindre l’atmosphère de ses mornas : sable chaud, soleil trompeur, et puis l’Atlantique, cette vaste plaine où se perd la Mémoire... 
L’esprit Sodade 
Cesaria Evora n’est pas de ces artistes qui surjouent ou feignent l’émotion. Elle est là, mi-espiègle, mi-désabusée, comme s’il était naturel pour elle de se tenir face à un public. Elle minaude, interpelle du regard un spectateur au premier rang, puis, lasse de la station verticale, va s’affaler sur une chaise pour griller une cigarette. Normal ! Puisqu’elle chante comme elle respire, il y a toujours de la 
place pour un peu de nicotine entre deux bouffées d’oxygène. 
D’ailleurs, lorsqu’elle a commencé dans les bars de Mindelo, 
elle agissait sans doute ainsi. Alors, pourquoi changer ? Il y a comme une langueur mélancolique qui transparaît dans cette attitude, mais également dans sa musique. Une Sodade, une sorte de spleen qui nous étreint. Voilà la source 
même de ces mornas, ces blues capverdiens nous venant du 
temps où le petit peuple noir dont elle est issue était réduit à l’esclavage par les Portugais. 
Presque toutes ces chansons ont gardé cette tonalité plaintive, l’empreinte indélébile de cette souffrance. Elles nous transpercent, et viennent remuer ce qu’il y a de plus fragile et humain à l’intérieur de nous. Alors, on se laisse bercer par un flot de souvenirs indécis, un vague à l’âme 
qui nous chavire gentiment. On comprend alors pourquoi Cesaria Evora parcourt le monde entier avec ses coladeras et ses mornas sous le bras et dans la gorge : ses chansons-là sont universelles! Elles sont l’écho d’une douleur sourde, ineffable et muette, qui vole au-dessus des frontières : l’amour, la nostalgie... 
Tout n’est pourtant pas que nostalgie chez la diva capverdienne. Sa reprise du standard Besame montre un désir désespéré de jouir de l’instant présent avant que tout ne fiche le camp. De la même façon, ces derniers arrangements musicaux, qui empruntent beaucoup à la musique brésilienne et cubaine, apportent une tonalité plus joyeuse à son chant, sans rogner l’esprit Sodade. 
Avachis dans un siège, on ressent cette irrépressible envie 
de se lever pour partir dans une danse chaloupée. Ces mélodies délicates, sensuelles, presque enivrantes, semblent nous y inviter. 
On hésite. A peine ose-t-on frapper des mains pour accompagner la mesure. Sans doute, n’aurions- nous pas fait tant de chichis si nous avions été capverdiens... Trop policés. Il nous faut attendre la fin d’une chanson pour exprimer notre gratitude et le bonheur qu’elle nous transmet. Dommage, car l’occasion était belle de participer à une formidable communion avec l’une des voix les plus émouvantes et sincères de ces derniers temps.
 
 
 
 
 
 
 
 
 

(c) mikaël herviaux - Créé à l'aide de Populus.
Modifié en dernier lieu le 18.10.2007
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