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  MIKAËL HERVIAUX Journaliste, auteur et traducteur 

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Critiques et tête à tête

1-J.L Trintignant 
2-Charles Berling 
 
JEAN-LOUIS TRINTIGNANT (14-09-04, JDC) 
 
"APOLLINAIRE EST ENCOE A DECOUVRIR" 
 
Jean-Louis Trintignant présentera Apollinaire, demain soir (20 h) à la MCNN. Un spectacle poétique qu’il avait créé en duo avec sa fille. Entretien avec un homme libre et pudique. 
 
 
Mikaël Herviaux: Le spectacle a-t-il été modifié depuis sa création ?
 
Jean-Louis Trintignant: Entre Paris et Nevers, on a coupé et ajouté quelques poèmes. Ce sera donc un peu une première. Et puis, il y aura une discussion après la représentation. C’est intéressant de pouvoir parler avec le public. C’est la 
différence avec le cinéma où on tourne, où tout est abstrait. D’ailleurs, les films n’appartiennent qu’au metteur en scène.
 
 
M.H: Ce qui vous plaît au théâtre, c’est cette mise à nu, ce risque, ce vertige 
presque... lorsqu’on est seul sur scène ?
 
J.L.T: Je ne suis pas seul mais avec deux musiciens . Nous sommes vraiment trois sur scène. On s’écoute beaucoup. Ce n’est pas du tout un monologue. 
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" On pense plus à Brassens qu’à une pièce de Brecht " 
 
Nous sommes arrivés à un accord très intéressant entre le violoncelle de Grégoire Korniluk et l’accordéon de Daniel Mille. C’est d’ailleurs plus près 
d’un tour de chant que du théâtre. Le spectacle est très simple, complètement dépouillé. On pense plus à Brassens qu’à une pièce de Brecht.
 
 
M.H Après Aragon, vous donnez votre voix à Apollinaire. Vous semblez aimer 
la compagnie des poètes...
 
J.L.T: Oui... Ce que j’aime par-dessus tout, c’est la poésie. Tout est concentré. Tout est raccourci. On arrive à dire beaucoup de choses en peu de mots. J’aime cette densité.  
 
En l’interprétant, le risque n’est-il pas de donner une direction au texte ? 
J.L.T: Tout à fait ! Même le choix du dépouillement et de la simplicité n’évite pas l’écueil de l’interprétation. J’essaie seulement de faire entendre la poésie 
au plus près de ce que l’auteur a écrit, mais je me trompe peut-être... !
 
 
M.H: Peut-être est-ce un leurre que de vouloir retrouver cette respiration 
originelle ?
 
J.L.T: Oui, mais quand on est comédien, l’important est de savoir pourquoi Apollinaire a écrit exactement cesmots-là. 
 
" Lorsque j’entends le mot culture, ça me faitpeur " 
 
J’essaie donc de me les approprier, de les réinventer. Je fais comme si ces mots sortaient de moi.Comme si je les inventais au moment où je joue. C’est très agréable. A ce moment-là, j’ai l’impression qu’Apollinaire n’a jamais existé. 
 
M.H: Sentez-vous, même dans les silences, si le public est réceptif ou ne l’est pas ? 
J.L.T: Complètement ! Pour Mozart, le silence était aussi de la musique. Avec Apollinaire, c’est de la poésie. Je crois que Ferré avait raison lorsqu’il disait qu’elle ne devait pas être que lue mais aussi entendue. Le public devrait lire à haute voix, même si c’est maladroit. Malheureusement, peu de gens aiment la poésie. Moi-même, je ne suis pas un intellectuel, et lorsque j’entends le mot culture, ça me fait peur. 
 
Qu’est-ce qui vous a plu chez Apollinaire? 
J.L.T: Sa modernité ! Il a connu le début du siècle avec l’aviation, la lumière électrique, l’automobile... J’ai l’impression d’une période extraordinaire. Sans doute la plus belle. Quant à Apollinaire, c’était un homme d’une sensibilité extrême. Lorsqu’il était au Bateau-Lavoir, on disait de lui qu’il exerçait une fascination sur tout le monde. Et puis, il parle de la ville et de la campagne avec un égal bonheur. C’est rare ! 
Il a aussi un formidable sens de la musique poétique. Pour le spectacle, je reprends vingt sept de ses poèmes, même si le choix va plutôt vers des poèmes sombres. Avec ma fille, on n’interprétait que les Poèmes à Lou, écrits pendant la guerre. Je dis d’ailleurs certains de ses textes, et ça me touche profondément. Dans ce nouveau spectacle, une première partie est consacrée aux poèmes extraits d’Alcool 
comme Zone. La seconde, aux Poèmes à Lou.
 
 
" Il est certain que mon drame et Apollinaire sont liés " 
 
M.H: Vous semblez avoir des caractères opposés : lui fougueux et vous, tout en retenue...
 
J.L.T: Sans doute n’ai-je pas son côté “joyeux”, sa truculence, c’est vrai... Mais, lui est mort à 38 ans, tandis que moi, j’en ai 73 ! A son âge, j’étais peut-être 
différent de ce que je suis maintenant. C’est curieux, car lorsqu’on l’a joué avec ma fille, voilà plus d’un an, je lui disais que je comptais arrêter, que ce n’était plus pour moi. Elle, avait 40 ans, était pleine de vie et de sensualité... c’était beau !
 
 
Est-ce difficile de travailler en profondeur, de puiser à la source de l’auteur ? 
J.L.T: Vous savez, je connais Apollinaire depuis cinquante ans, mais je redécouvre encore certains vers qui étaient devenus comme une habitude. Tant 
que j’aurai ce plaisir, je continuerai. Mais, je ne vais pas embêter les gens avec mon drame et Apollinaire. Il est certain que les deux sont liés. Car s’il y a une truculence chez lui, il y a aussi une nostalgie, une complaisance à aller mal. Toutefois, j’ai l’impression aujourd’hui qu’il est un peu dans le trou. Comme Sartre, pourtant 
très important de son vivant, est moins considéré que Camus.
 
 
M.H: Sans doute, les a-t-on figés dans une époque qu’ils ont trop marquée. 
Apollinaire comme poète, critique d’art, esthète..

J.L.T: Je ne crois pas qu’il ait tellement marqué son époque. La preuve : les Poèmes à Lou n’ont été édités qu’en 1936. Pour moi, Apollinaire est encore à découvrir. 
 
M.H: Vos adieux au cinéma semblent être une chose entendue. Voulez-vous 
désormais exhumer de l’oubli certains auteurs
 
J.L.T: Mon dernier film remonte à 1996, et effectivement, je ne tournerai plus. Je n’en ai plus envie. Pour ce qui est des auteurs, j’ai préparé un spectacle sur Jules Renard, mais je ne sais pas si je le jouerai un jour. C’était un esprit très brillant, peut-être trop, très drôle, comme tous ces auteurs du siècle dernier : Jarry et les 
autres... J’ai des passions pour de nombreux poètes comme Rimbaud, Baudelaire... Ces temps-ci, je redécouvre Lautréamont. Voilà justement un auteur à lire à haute voix !

 
 
 
CHARLES BERLING dans Hamlet 
 
"Le théâtre, c’est du présent  
 
Un classique de Shakespeare mis en scène par Patrice Caurier et Moshe Leiser. Avec le parti pris d’une adaptation très moderne.  
Entretien avec un passionné. 
 
Mikaël Herviaux: N’est-ce pas difficile d’incarner pour la énième fois Hamlet? 
Charles Berling. – Il s’agit évidemment d’un rôle complexe, déjà incarné par d’immenses comédiens. Mais, cela me plaît beaucoup. J’aime cette idée de 
concurrence, d’émulation surtout, par rapport aux autres acteurs.J’aime l’idée d’emmener ce rôle le plus loin possible. Et surtout de jouer un Hamlet qui 
me corresponde. 
 
M.H: Qu’est ce que cette mise en scène de Patrice Caurier et 
Moshe Leiser apporte de nouveau à l’œuvre de Shakespeare?
 
C.B: On confronte Hamlet au temps présent. D’ailleurs pour moi, le théâtre, c’est du présent. Il a été remarquablement mis en scène par Patrice Caurier et Moshe Leiser, peu connus en France, mais qui tournent beaucoup à l’étranger. Notamment, autour de l’opéra. Leur Hamlet est véritablement perçu comme une œuvre populaire qui devrait plaîre au public. Notre récompense est d’ailleurs de voir les gens heureux lorsqu’ils sortent... 
 
M.HCela reste toutefois une tragédie...!? 
C.B: Bien sûr, mais sans la mélancolie du XIXe siècle. Ce n’est pas un travail démonstratif, ni même théorique. On a vraiment cherché à rendre compte du chaos. Entre la démocratie et la barbarie. Bref, on a voulu une pièce moderne à travers laquelle les gens peuvent se retrouver. Rien à voir donc avec la vision romantique souvent retenue. Ici, tout est follement chaotique.Reste que l’on n’a pas gommé son aspect comique, bouffon. 
 
M.H: Que ressent-on lorsque l’on doit habiter un personnage comme Hamlet ? 
C.B: C’est un vrai bonheur ! D’autant plus lorsqu’on a la chance d’être entouré d’acteurs formidables.Il ne faut pas oublier que l’on a travaillé presque quatre 
ans dessus. L’écriture est géniale. Cette pièce représente le théâtre qui me plaît, à la fois populaire et ambitieux. 
 
M.H: Pourriez-vous trouver un rôle aussi fort au cinéma ? 
C.B: Effectivement, il est difficile de trouver un rôle aussi fort. Toute ma vie, j’ai rêvé d’interpréter Hamlet. J’en avais besoin. Aujourd’hui, je me demande ce que je pourrais bien faire après. Sans doute, devrais-je aller vers des rôles plus légers... Mais pour l’heure, je n’y pense pas. Je joue, je mange et je dors. Ce personnage m’occupe totalement l’esprit.
 

(c) mikaël herviaux - Créé à l'aide de Populus.
Modifié en dernier lieu le 18.10.2007
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