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zig zag
Quotidien Le Temps (Suisse). 17 juillet 2004
Bolivie-Le président Carlos Mesa demande à son peuple le droit de négocier avec des pays étrangers les plus gros gisements gaziers d'Amérique du Sud.
Les réserves de gaz boliviennes, enjeu d'un référendum historique
La Paz.Moins d'un an après les révoltes d'octobre 2003, qui avaient fait officiellement 80 morts et plus de 400 blessés, la Bolvie s'apprête à vivre un moment historique: 4,5 millions d'électeurs se rendront aux urnes, ce dimanche 18 juillet, pour décider de la politique énergétique que doit mener leur pays, avec en point de mire, l'utilisation du gaz, dont la Bolivie est le réservoir le plus important d'Amérique du Sud.
Ce référendum obligatoire, convoqué pour la première fois depuis l'établissement du suffrage universel en 1952, a lieu dans un climat de tensions exacerbées. Le gouvernement néo-libéral de Carlos Mesa fait face aux menaces de boycott qui émanent, pour la plupart, de centrales syndicales, parmi lesquelles la toute-puissante Centrale Ouvrière Bolivienne (COB) du dirigeant Jaime Solares, qui qualifie ce référendum en cinq volets de "tramparendum" (référendum piégé), puisqu'il ne conduira pas à une renationalisation des concessions gazières.
Selon lui, la question n'est pas de savoir si l'on veut ou non exporter le gaz, mais bien de se le réapproprier. Les compagnies transnationales s'en sont déjà approprié une part importante du temps du président Sanchez de Lozada, alias Goni, sans que ni l'Etat bolivien ni la population ne puissent profiter de ces contrats. Après le départ précipité de Goni aux Etats-Unis en octobre 2003, le nouveau président Carlos Mesa avait décidé de geler la loi d'hydrocarbures et d'abolir le décret qui avait permis la cession du gaz. Il avait en outre promis à ses concitoyens de gouverner avec transparence et de les consulter à l'avenir. Si, aujourd'hui, Carlos Mesa jouit d'une cote de popularité incontestable, grâce aux nombreuses réformes engagées, les conflits sociaux demeurent qui touchent tout le monde: mineurs, paysans, retraités etc. À quoi s'ajoute cette "guerre du gaz" toujours recommencée qui alimente les tensions.
Sans que l'exportation du gaz soit un tabou, une part de la population refuse clairement de "brader" cette manne nationale, considérée comme le seul moyen de sortir le pays du bourbier économique. De plus, malgré son caractère démocratique, le référendum est critiqué par ceux qui jugent que, quel que soit son résultat, il favorisera les compagnies pétrolières étrangères. À gauche, seul Evo Morales, le charismatique leader cocalero du Mouvement vers le socialisme (MAS), l'a défendu, divisant son propre camp. Certains n'ont d'ailleurs pas hésité à le qualifier de "traître". Beaucoup voient dans ce geste une manière de se profiler pour les présidentielles de 2007.
Reste à voir l'appui que recevra le président Carlos Mesa lors de cette première consultation directe. Un oui fort et massif pourrait raffermir l'autorité de son gouvernement, fragilisé par les batailles sociales et les rumeurs récurrentes de coup d'Etat. Carlos Mesa a pris ses précautions : en réclamant au peuple bolivien l'autorisation de négocier le gaz du pays avec le Chili, il lui propose en échange de récupérer l'accès souverain à l'océan Pacifique que la Bolivie avait perdu en 1879. Le président Mesa a peut-être trouvé là de quoi faire pencher la balance de son côté.
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